L’histoire de notre village






Sa localisation

 

            Fretterans est un village de la Bresse Louhanaise situé au bords du Doubs à l'intersection de 3 départements: la Saône et Loire, le Jura et la Côte d'Or.

Ci dessous la situation sur la carte Cassini.

Ses origines

 

            D’après Lucien Guillemaut, le nom « Fretterans », comme l’indique sa terminaison « ans », peut être d’origine celtique

            Mais il est possible aussi qu’il soit d’origine germanique : le suffixe « ing » a servi aux envahisseurs germaniques à former un grand nombre de noms de lieux dont la terminaison  actuelle est « ans » ; ce suffixe indiquait la possession ; le mot « frette » signifiait primitivement « terre inculte ». Le nom de notre village serait alors dû aux  Burgondes, venus de Germanie au Ve siècle.

            Ce nom apparaît pour la 1ère fois en 1111 dans une charte, le cartulaire de Baume, sous la forme « Freterens ». Un cartulaire est un recueil de titres relatifs aux droits temporels d’un monastère, d’une église. Fretterans faisait donc partie des paroisses fondées par l’abbaye de Baume-les-Messieurs, abbaye bénédictine qui était apparue dans la seconde moitié du IXe siècle. Bellevesvre, Mouthier, Torpes, Frangy, Ratte dépendaient de la même abbaye. Le christianisme s’était répandu dans notre région au cours de la seconde moitié du IIe siècle. 

Ses seigneurs

               Notre village se trouvait autrefois dans le Comté d’Auxonne qui faisait un coin dans la Bresse, entre le Duché et le Comté de Bourgogne, du côté de Pierre et de Bellevesvre. Ce comté formait une petite souveraineté qui resta indépendante jusqu’à la fin du XIIe siècle, époque à laquelle il releva des ducs de Bourgogne : en 1197, Etienne III fit hommage pour Auxonne au duc de Bourgogne, Eudes III. En 1237, les ducs l’eurent en propriété par échange avec Jean de Chalon qui, pour la seigneurie de Salins, céda au Duché les Comtés de Chalon et d’Auxonne : ces 2 comtés constituèrent « les Terres d’Outre Saône ». Par ailleurs, Etienne III revendiqua le Comté de Bourgogne et fit une guerre qui dura environ 10 ans avec le duc de Méranie (région d’Autriche). En 1230, Etienne renonce à ses prétentions, reconnaît le duc de Méranie comme comte palatin, et lui fait hommage des terres qu’il possède en Franche Comté. (Guillemaut)

              

               Sur le pourtour du village, du côté du Doubs, se trouve « la Motte » de Fretterans. Une ancienne maison à colombage, construite en 1663, en occupait le sommet. Ce tertre prouve que le site était, entre le XIVe et le XVIe siècles, l’emplacement d’une demeure seigneuriale fortifiée, utilisée comme moyen de défense contre les assaillants francs-comtois. Une autre ferme, datant de la même époque, mais rénovée, subsiste dans la rue de l’église, et elle est habitée.

          Au XIIIe siècle, la plus grande partie des terres de notre région appartenait à une puissante famille de Bourgogne, la famille de Vienne. Leurs possessions s’étendaient depuis Seurre jusqu’à la Comté et la Bresse savoyarde. Cette illustre Maison de Vienne avait de nombreuses ramifications en Bourgogne et en Comté. Elle avait peu à peu substitué sa puissance à celle des premiers possesseurs, abbés de monastères. A la fin du XIVe siècle, Mathey de Rye, seigneur de Neublans, époux de Béatrix de Vienne, est seigneur d’une partie de Fretterans. Mais  Mathey de Rye est vassal, c’est-à-dire qu’il dépend de Jacques de Vienne, chevalier, frère de Béatrix et seigneur de Ruffey.

  

            

(Ci-dessus la Maison de la Motte, qui était la propriété de Mr Georges Trullard ; elle a été rachetée et démontée en 2006 par Mr Gastine qui l’a reconstruite à Petit Noir, département du Jura.)

           Guy de Rye, 3e fils de Mathey et Béatrix, épouse Marie de Rupt. « Il eut pour son partage et par le testament de son père, Neublans et Fraterans, avec leurs dépendances ; ce qui lui fut confirmé par le testament  de sa mère, qui veut qu’il reprenne de fief l’une et l’autre terre de Jacques de Vienne. » (Dom Plancher : Histoire générale et particulière de Bourgogne, Dijon 1741). Guy de Rye de Neublans devient donc seigneur d’une partie de Fretterans, sous la suzeraineté de Jacques de Vienne. On voit, par une charte de 1433, que Guy de Rye « pour les dons et services à lui rendus par les habitants de Fretterans, leur accorde licence et faculté de chasser à toutes bêtes et oiseaux fauves, en tout le territoire, tant en rivière qu’autre part, même dans les bois de Neublans, à tous filets et engins, en payant au seigneur la quatrième partie de la venaison. » (Guillemaut) En 1435, Guy de Rye a une instance (un procès) au Parlement de Bourgogne  contre Henriette de Grançon, veuve de Jean de Vienne, seigneur en partie de Neublans et Fretterans. A cette époque, notre village a donc au moins deux seigneurs.

           Ensuite, Guy de Rye vend à son frère aîné « Jean de Rye, seigneur de Balançon et de Corcondray, conseiller et chambellan du duc de Bourgogne, la moitié du château de Neublans qui lui appartenoit, avec la terre de même nom, et celle de Fretterans, avec leurs dépendances, pour la somme de dix-huit cent quatre-vingt-un francs. » (Dom Plancher). Voilà donc Fretterans nanti d’un nouveau seigneur.

           Guy de Rye et Marie de Rupt avaient une fille, Mathie de Rye, qui épouse, le 4 avril 1434, Pierre de Goux, licencié en lois, seigneur de Varennes sur Seille et de La Vicheresse  (St Usuge), ainsi que du village de Goux, près de Dole. Pierre de Goux (fils de Jean de Goux et Guye de Rye) est mentionné à son tour seigneur de Fretterans et Neublans en 1451. Il est armé chevalier par Philippe le Bon, en 1453, après la bataille de Gand. Il succède, en 1465, à l’illustre chancelier Rolin comme Grand Chancelier auprès de Philippe le Bon, duc de Bourgogne, et il conserve sa fonction avec Charles le Téméraire. En 1467, il achète une autre seigneurie : la moitié de Louhans. Il termine sa vie en Belgique où il possède de nombreux domaines, châteaux et villages, aux alentours de Bruxelles. Il meurt à Gand en avril 1471. (Le nom de Goux figurait en 1991 dans l’ascendance généalogique du roi Baudoin de Belgique.) 

           L’un des fils de Pierre de Goux et Mathie de Rye, Jean de Goux, hérite des propriétés bourguignonnes et comtoises de son père, tandis que son frère Guillaume reçoit les propriétés flamandes. Jean de Goux « relève le nom et les armes » d’un parent du côté maternel (famille de Rupt), et se nommera désormais Jean de Rupt (d’après Guillaume : « Histoire de Salins »). Il est armé chevalier par le duc Charles en 1468. Il épouse Louise de Ray en 1466 , puis Catherine de Vienne. En 1476, il se qualifie seigneur de Rupt, d’Autricourt et de Vauvry ; il est seigneur de la moitié de Louhans et possède de nombreuses seigneuries au bailliage de Chalon (entre autres Fretterans, Charette, Terrans, Navilly), des terres à Simard, la seigneurie de la Vicheresse à St Usuge…et aussi celle de Goux, en Comté. Il porte les titres de conseiller et chambellan du  duc de Bourgogne. A la mort de Charles le Téméraire, il suit le parti de sa fille, Marie de Bourgogne, contre le roi Louis XI, et se retire en Franche-Comté. Louis XI, en 1477, confisque ses biens qui lui seront rendus en 1486.

           En 1503, Jean de Rupt est encore seigneur de Fretterans. Cependant, Courtépée fait mention de N. Longvy de Givry comme seigneur de Fretterans en 1490. Il faut donc supposer que notre village avait alors deux co-seigneurs.

           En 1510, Jean de Longvy est seigneur de notre village. Ensuite, Françoise de Longvy, femme du comte de Busançois, est dame de Fretterans. En 1540, elle vend cette seigneurie à Messire Ray Fernandez Dalmata, ambassadeur d’Espagne auprès du roi de France.

           En 1534, Philippe Chabot, amiral de France, avait acheté la seigneurie d’Authumes de Pierre Bouton. (En 1547, Françoise de Longwy, mentionnée « veuve de l’amiral Chabot », échange la seigneurie de Rouvres, près de Dijon, contre celle de Sagy). Le fils de Philippe, Léonor Chabot, baron d’Authumes, comte de Charny, reconnaît notre village comme étant de « franc-alleu »  . Ce terme signifie que les habitants ne doivent à leur seigneur ni cens, ni corvées. La fille de Léonor, Marguerite Chabot, duchesse d’Elbeuf, dame de Fretterans en 1608, confirme cette reconnaissance de franc-alleu. (Notons qu’un autre privilège sera accordé aux habitants de Fretterans en 1676, par sentence du parlement de Chalon : ils seront exemptés de la dîme de navette, c’est-à-dire qu’ils ne seront plus imposés sur les récoltes de graines de navette, plante oléagineuse voisine du colza.) A propos de Léonor Chabot, précisons qu’il fut, comme son père, gouverneur et lieutenant - général du royaume en Bourgogne, et qu’il refusa de faire exécuter , en 1572, les ordres du roi Charles IX concernant le massacre de la St Barthélemy.

           En 1612, les bornes du Duché de Bourgogne furent plantées sur le territoire de la paroisse de Fretterans. Selon Courtépée , il y en avait une dans la cour des maisons de la Crote (limite de Neublans), une près des Saulces de la Reynette, et une autre dans les Frâches (de l’autre côté du Doubs.)

           Plus tard, Pierre Belin, conseiller au Parlement de Dijon, possédait la seigneurie de Fretterans qu’il revendit en 1685 à Louis de Lorraine, comte d’Armagnac. L’année suivante, 1686, cette seigneurie fut acquise par Claude de Thiard, baron d’Authumes et de Pierre, seigneur de La chapelle St Sauveur et Dampierre, marquis de Bissy, gouverneur de Lorraine. La seigneurie de Fretterans restera désormais à la famille de Thiard.

           Claude de Thiard eut une carrière militaire mouvementée et glorieuse. En 1680, après la conquête définitive de la Franche-Comté, il fit reconstruire le château de Pierre, transformant l’antique chastel en une splendide habitation. En 1647, il avait épousé Eléonore Angélique de Neuchèze qui lui donna de nombreux enfants. L’aîné, Jacques de Thiard hérita des biens de son père en 1701. Il fut aussi lieutenant général des armées du roi. Il orna le château d’un parc magnifique et de vastes jardins. Son fils Anne Claude de Thiard lui succéda en 1744. Ce fut ensuite un cousin, Claude de Thiard, qui hérita des titres  et du château ; il mourut à Pierre en 1810. Son fils Théodose Auxonne de Thiard fut général et député sous la Restauration.


           

Etude de la province de Bourgogne – Procès-verbaux des limites de la Province  de Bourgogne  1611 – 1612 – 1613   Cote B 265 = C 3527  aux AD 21

              Le « Journal de la Bourgogne », Editions Jacques Marseille – Larousse 2002 relate une anecdote : « En 1745, Fretterans, petite paroisse bourguignonne, n’hésite pas, pour faire valoir son statut de franc-alleu, c’est-à-dire de terre libre, à poursuivre en justice son seigneur, le marquis de Bissy (Anne Claude de Thiard). Elle est déboutée. Le tribunal conclut que « par plusieurs titres, il apparaît que les héritages situés sur le finage de Fretterans sont chargés de cens et que le cens peut emporter le droit de lods et de retenue ». (Le terme « finage » désignait une circonscription sur laquelle un seigneur ou une ville avait droit de juridiction)

Ses habitants

           Fretterans faisait autrefois partie du diocèse de Besançon, du doyenné de Neublans, de la recette d’Auxonne et du bailliage de Chalon.

           L’importance de la population de nos villages aux XIVe et XVe siècles peut être évaluée grâce à des documents appelés « cerches de feux » (recherches de feux). Les « feux » étaient les foyers, les familles. Ces documents servaient à établir la répartition des impôts. Il y eut notamment la « Cerche de feux des Terres d’Outre-Saône, en 1490, de l’autorité de Monseigneur de Baudricourt, lieutenant du roi en Bourgogne ». Fretterans comptait alors 76 feux. Mais on ne connaît pas le nombre des personnes composant les foyers ; les historiens admettent cependant que ce nombre doit être de l’ordre de 4, 5 ou 6. En 1720, le nombre de feux, pour Fretterans, était de 90. On recense 536 habitants dans notre village en 1786, et 476 habitants en 1896.

           Dans le plus ancien registre paroissial (1595 – 1626), sont mentionnées des familles dont les descendants vivent encore à Fretterans ou dans des communes voisines, ou vivaient encore ici au XXe siècle : Barisset, Barignot, Billot, Boissard, Bon, Bonguelet, Donzel, Fauldot, Gallemard, Grapin, Guénot (ou Guinot, Guiénot, Guyénot), Guillot, Humbert, Millot, Ozanon, Peraut,Petit, Trouillard (ou Truillard, Trulliard, Trullard). A cette époque, les actes de baptêmes, mariages, décès, étaient signés par le curé Bonguelet. On y découvre que Claude et Jacques Bonguelet étaient chirurgiens-barbiers, qu’Anathoire Caurbot était recteur d’école et que Maître François Maissot exerçait la profession de notaire.

           Comme dans tous les villages, beaucoup d’habitants étaient manouvriers, c’est-à-dire qu’ils n’avaient que leurs mains pour travailler. Ils ne possédaient rien. Mais on comptait aussi, à Fretterans, un bon nombre de laboureurs :  ils possédaient au moins un animal de trait et une charrue. Ils étaient « tenanciers » de parcelles de terrain « acensées », c’est-à-dire qu’ils possédaient ces parcelles moyennant une redevance annuelle, le cens, payée au seigneur du lieu. C’est ainsi que, dans le « terrier » de Pierre de Bresse, rédigé en 1469 à la demande de l’Abbé de St Pierre de Chalon, on trouve une douzaine de laboureurs de Fretterans qui viennent faire la « recognoissance » de leurs terres et du montant des cens qu’ils auront à payer. Un « terrier » était le recensement de tous les biens que possédait un seigneur dans une paroisse ; le seigneur faisait établir la liste de ses propriétés par un notaire, en vue de réévaluer les cens. Parmi les noms des laboureurs cités en 1469, on remarque deux noms connus : Trullard et Guillot.

           Tant qu’il payait le cens, le laboureur était propriétaire de sa terre : il pouvait la céder à quelqu’un d’autre ou la transmettre à ses descendants. De cette façon, les terres acensées  se sont morcelées, au cours des siècles, en parcelles minuscules. La surface des portions cultivées ne représentait souvent  qu’une petite fraction d’un journal (34 ares), et parfois elle n’était que de quelques mètres carrés. Il en était de même pour les terres en herbe, évaluées en fractions de soiture (même valeur que le journal), si petites que les paysans ne pouvaient pas récolter leur foin individuellement : on fauchait en groupe toute la surface couverte de foin et, lorsqu’il était sec, on se partageait la récolte. Ainsi, dans les actes notariés, on trouve l’expression : « partageable à la fourche et au râteau ».

           

            Les paysans cultivaient des céréales, comme le froment, le seigle, le millet et le « turquis », la navette dont on obtenait de l’huile, la vigne, le chanvre dont la tige fournissait une excellente fibre textile et dont on utilisait aussi la graine appelée chènevis comme aliment pour le bétail.

            Il y avait de grosses différences de revenus entre les habitants du village, comme le montre le rôle de taille de 1663 (la taille étant un impôt de répartition dont le montant total était fixé au Conseil du roi). Les échevins élus par la communauté des habitants du village (les chefs de familles réunis le dimanche au son de la cloche) assuraient la répartition de la taille. En cette année 1663, les habitants de Fretterans sont imposés pour la somme de deux cents livres cinq sols, « le fort portant le faible ». La livre (ou franc) de cette époque a été estimée à 85F (monnaie de 1995) ; elle vaut 20 sols (ou sous). Maître Louis Larceneux, praticien au village, et les échevins Claude Humbert et Pierre Poumey, laboureurs, ont procédé à la répartition de  l’impôt entre les 56 familles imposables .  Les plus imposés, donc les plus riches, sont : maître François Bobey (11 livres) et Claude Dromard (10 livres). Viennent ensuite, avec un impôt de 3 à 8 livres : la veuve de Noël Blanc et son gendre, la veuve de François Paquerot, Jacques et Claude Liébault, Claude et Denis Vernault, la veuve de Pierre Laurin, maître Henry Bonguelet, maître Siré Ganot, Robert Pretet, Jean Baron, Pierre Guienod, Pierre Poumey, la veuve de Anthoine Trullard, Claude Humbert, Girard Franon, Pierre et Martin Daulphin, maître Louis Larceneux, Simon Martin. Un bon nombre d’habitants paient de 30 à 40 sols. Les plus démunis, Jean Breul et le cordonnier André ne doivent que 10 sols, et Barbe Goujon 5 sols. Dans le rôle de taille de 1721, les 84 familles imposables de Fretterans doivent supporter la charge de 1816 livres (la livre de cette époque est estimée à 59F, monnaie de 1995). Les plus imposés cette année sont « les sieur et demoiselle Bonguelet, à cent trente livres dix sols », et les plus pauvres sont Martin Galland et la veuve Nicollas qui paieront seulement une livre. En 1663, le montant des tailles sera payé à Maître Pierre Boisot, commis à la réception des impositions au ressort de Bellegarde (Seurre). En 1721, il sera payé à Monsieur Loppin ayant charge de Monsieur Suremain, receveur des impositions du bailliage d’Auxonne

          En plus de cet impôt royal, la taille, les paysans devaient assumer des corvées royales de 20 jours par an pour l’entretien des grandes routes. Ils devaient aussi assurer le transport des troupes et du matériel de guerre, et subir les réquisitions d’attelages, chevaux et bœufs. (Guillemaut)

           Au cours des 20 années qui précèdent la Révolution, les registres paroissiaux citent une cinquantaine de laboureurs. Parmi eux, on trouve des noms connus : Donzel , Fortin, Garnier, Perron, Trullard, Billot, Bonglet, Darras, Guyenot.  François Cordelier était alors fermier des terres et seigneurie de Fretterans, et il habitait la maison seigneuriale. Il succédait à son père, Désiré Cordelier, qui avait lui-même hérité de son père, Jean Cordelier, fermier à Fretterans au début du XVIIIe siècle.

           Durant cette période, il y avait également un certain nombre d’artisans qui, souvent, travaillaient en famille. On découvre ainsi de nombreux tissiers ou tisserands (familles Bonglet, Bredat, Humbert, Jacot, Royer et surtout Chanite), des tacquiers, fabricants de bateaux (familles Millot et Dutartre, Claude Gallemard, Claude Oeuvrard), des cordonniers (famille Barrisset, Jean Jacot, Simon Papillard), des tailleurs d’habits (famille Bergerot), des meuniers (Louis Alix, Jean Baptiste Bonguelet, Claude Monier, Claude Patenet, Denis Ravonaux), des marchands (Guillaume Chanite, Pierre Darras, Désiré Monot, Denis Trullard), des bouchers (Jean Bergerot, Joseph Dromard, Jean Jaquot), des pêcheurs (Alexandre Barisset, Claude Galmard, François Maisse), un forgeron (Jean Baptiste Bouveret), un maréchal (Emiland Theuret), des charrons (Denis Cordier, François Bonguelet), un charpentier (Jean Gobet), un menuisier (Denis Ravonnot), des couvreurs à paille (Pierre Buisson, Denis Galmard), un sabotier (Jean Baptiste Bonguelet).

          Le village avait son médecin : Jean Cordelier, et son barbier-chirurgien : Denis Chevigny. Marie Rollot, veuve Chanite, était la sage-femme du village.. Simon Verdot, praticien, procédait aux inventaires après décès et plaidait auprès des tribunaux : c’était une fonction semblable à celle de l’avoué. Pierre Darras était receveur des revenus de la Communauté de Fretterans.

            A Fretterans se trouvait un « bureau des traites foraines », c’est-à-dire un bureau des douanes. Au début du XVIIIe siècle, Dijon contrôlait 27 bureaux de Fermes chargés de percevoir les droits de traites sur les produits entrant en Bourgogne ou en sortant. Dans notre région, ces douanes se trouvaient à Fretterans, Bellevesvre, Longepierre, Seurre et Verdun. A cette époque, on relève dans les registres paroissiaux 3 noms de receveurs des traites : Jean Baptiste Loppin, Jean Robelot et Claude Ozanon (mentionné en 1706) ; Pierre Pinsonat était commis au bureau des traites. Entre 1720 et 1749, on trouve François Robelot  comme receveur des traites foraines.

          Le plus impopulaire de tous les impôts était la gabelle, impôt sur le sel qui donnait lieu à une surveillance tracassière. On utilisait beaucoup de sel pour les salaisons de viandes, en particulier la viande de porc. Mais cet impôt très élevé provoquait des privations chez les pauvres et, naturellement, un réseau de contrebande se développa. En Franche Comté, le sel n’était pas soumis à la gabelle et coûtait donc beaucoup moins cher. Des contrebandiers passaient la frontière du duché avec des chargements de sel et aussi de tabac qui était cultivé en Comté, et les gabelous ou gardes à sel leur faisaient la chasse. Ces brigades d’ employés des fermes du roy  étaient composées de 4 à 8 hommes commandés par un brigadier assisté d’un sous-brigadier ou lieutenant. Elles étaient chargées de surveiller le trafic des marchandises aux frontières du royaume, mais surtout d’empêcher la fraude. Certaines de ces brigades étaient sédentaires, attachées à un bureau des fermes, et d’autres étaient ambulantes comme celles d’Authumes, La Chaux et Pourlans, qui organisaient 2 patrouilles par 24 h (une de jour et une de nuit) et surveillaient le cours du Doubs. La brigade de Fretterans était sédentaire et pouvait se livrer à des visites domiciliaires et pratiquer des fouilles de personnes et de véhicules(A. Ferrer). Entre 1700 et 1720, les registres de Fretterans nous révèlent les noms suivants : brigadier : Mathurin Laborde ; gardes à sel : Jean Bobey, Gilbert Laforest, Joseph Bey, Jérôme Calamas (dit St Julien) et Henry Bon. Entre 1720 et 1749, Antoine Benoît est capitaine de la brigade de Fretterans pour la régie du tabac et Pierre Boisseaut est garde à sel. Entre 1771 et 1790, on trouve : brigadiers : Claude François Monami, Juste Alix  et François Duperrieux ; sous-brigadiers : Antoine Lavocat, Claude Moreau ; gardes : Claude Magnien, Philibert Gabriel, Denis Biotet, Nicolas Monin, Pierre Boulery, Joseph Magnien, Claude Delarche et Pierre Royer.

        Depuis longtemps, Fretterans avait son recteur d’école (ou maître d’école nommé parfois régent). En 1665, on trouve maître Pierre Compte puis, en 1669, Michel Harsan. Voici la liste des recteurs qui se sont ensuite succédé, et la date à laquelle ils commencent de signer les actes de mariage en qualité de témoins : Joseph Rinard (1690), Anthoine Ruchon (1692), Claude François Massot  (1694), Anthoine Ruchon (1695), Jean Tharey (1697), Pierre Joseph Villot (1700), Jean Tharey (1701), Denis Matras (1704), Henri Cuzé (1710), Louis Darras (depuis 1713 jusqu’à 1762), Claude Emiland Gey (depuis 1762 jusqu’à 1776),Simon Verdot (1778), Jean  Baptiste Tripard (1779), Poncet Gros (1784) reçu « instituteur » de Fretterans, Lays et Authumes le 26 ventose An III. 

          
        Le recteur d’école « faisait marché » avec le maire échevin et les habitants du village, à condition que le curé donne son consentement. Ainsi, en novembre 1789, Poncet Gros est réengagé comme recteur de Fretterans pour le prix annuel de 216 livres, avec l’agrément du curé Denis Rebouillat. Ce contrat  précise d’abord les obligations dudit Poncet Gros relatives au service de l’église : il devra « chanter Grande Messe et Vêpres tous les dimanches et fêtes » ; il devra aussi servir le Sieur Curé « dans l’administration des sacrements ainsi qu’à sa Basse Messe ». Au point de vue scolaire, il enseignera six heures par jour et aura droit à deux mois de vacances pendant le temps de la fenaison et de la moisson. Les habitants de Fretterans lui paieront « trois sols par mois pour les enfants qui apprennent à lire, cinq sols pour ceux qui apprennent à lire et écrire, sept sols pour ceux qui apprennent à lire, écrire et chiffrer ».Il enseignera gratuitement le plain-chant, le catéchisme, les prières et la manière de servir la messe. De plus, le recteur « s’oblige de faire gratis toutes les délibérations, toutes les requêtes et toutes les publications concernant la communauté ». Mais il sera exempté d’impôts. (AD 71 C 262)

          Si l’on en croit les dires des habitants en 1839, l’église de Fretterans est « l’une des plus anciennes de la contrée ; sa construction très solide paraît remonter au 15e siècle ». Ce sont les termes qu’ils emploient dans une lettre de protestation adressée au préfet de Saône et Loire. Le conseil municipal a contacté un architecte en vue de déplacer le clocher, mais une bonne partie de la population s’oppose à ce projet et déplore les « embellissements de mauvais goût……..qui ont surchargé les murs, l’autel et les boiseries de peintures de toutes couleurs ». Le curé Bonguelet est prêtre de Fretterans pendant la période de 1595 à 1626. Les registres paroissiaux s’arrêtent là, et reprennent en 1644. A cette date, Anthoine Bonguelet est curé du village. Lui succèdent  les curés : Faure (1658), Guillaume Carmier (1664), Audoin (1674), Christophle Delarichardière (1675), Thévenin (1684), Repaus (1690), Vincent Thévenin (1705), Pierre Drugne (1726), Denis Rebouillat (1747). Le 25 brumaire an IV, le curé Rebouillat prête serment de soumission et obéissance aux lois de la République.

          Un impôt, la dîme (en principe la 10e partie des récoltes), était destiné à l’entretien du curé. En fait, les curés ne touchaient qu’une partie des dîmes : les gros décimateurs étaient les patrons (souvent fondateurs) des églises. La paroisse de Fretterans était placée sous le patronage de l’abbaye de Baume. Des paroisses voisines : Authumes, Lays, Pierre, Pourlans, Torpes, relevaient du patronage de Mouthier en Bresse (Monastérium in Brixia, fondé à la fin du IXe siècle) qui, lui-même, dépendait de Baume. (Marcel Pacaut : « L’Eglise et le peuplement de la Bresse Bourguignonne médiévale », dans La Bresse, Les Bresses, tome II, p 94). Au XVIe siècle, Fretterans n’est plus sous le patronage de Baume mais sous celui de Mouthier. Les patrons décimateurs assuraient l’entretien du presbytère et du chœur (et du clocher s’il était placé sur le chœur) ; le reste était à la charge des habitants. Aux archives départementales de Mâcon, sous la cote H 120, se trouve le terrier rédigé en 1469, concernant une partie de la seigneurie de Pierre ; il s’agit du « Terrier de Monseigneur Humbert de Montferrand, humble abbé du monastère de St Pierre de Chalon, abbé de l’abbaye de St Pierre de Bresse ». C’est dans ce document, précédemment cité, que des laboureurs viennent faire la reconnaissance de leurs biens inclus dans cette seigneurie. Il y est aussi question de « dixmes » : l’abbé reçoit les deux tiers des dîmes de La Chapelle, toutes les dîmes de La Chaux, et le tiers des dîmes de Fretterans, soit sept bichets de blé (le bichet était une mesure de capacité qui valait 179 litres à Chalon).


        

  


              Actuellement, 2 patronymes prédominent au village : Trullard et Camus. Le 1er est très ancien puisqu’on le trouve déjà dans le terrier de Pierre de Bresse en 1469. Mais le second n’est apparu à Fretterans qu’en 1811 : cette année-là, Etienne Camus, charpentier de Neublans, épousait Denise Barisset, de Fretterans. Ce couple s’installa dans notre village et fonda une grande famille.

 

Sa place dans l'Histoire

Bonheurs et malheurs

           Le sort de notre village fut celui de toutes les localités de la Bresse Bourguignonne. Il y eut des périodes fastes, mais aussi beaucoup de misères dues aux guerres, aux épidémies et aux intempéries. Les événements de l’Histoire de la France marquèrent aussi notre petite contrée.

          

           Notre région est restée longtemps une zone de bois et d’étangs, peu peuplée. Aux IXe et Xe siècles, l’intérieur de la contrée est pénétré, suite à un essor démographique, à l’organisation de grandes propriétés, à une installation seigneuriale et à la mise en valeur de terres et villages par des établissements ecclésiastiques. (Marcel Pacaut) 

            Nos ancêtres qui vivaient au XIe siècle virent se renouveler les plus terribles famines, au cours desquelles on mangea de la chair humaine : celle de 1015 qui dura  5 ans, celle de 1022 qui affecta toute l’Europe, celle de 1030, aggravée par la peste. A la fin de ce siècle, les Croisés ramenèrent la lèpre qui sévit plus de 3 siècles, infectant villes et villages. (Lucien Guillemaut)

            « Au cours du XIIe siècle, la Bresse développe sa population et son économie, en un mouvement encore lent qui s’accélèrera à partir du début du XIIIe siècle. » (Marcel Pacaut) On connaît alors environ 80 paroisses en Bresse Bourguignonne, paroisses dont les noms ont été trouvés dans des documents de l’époque (cartulaires, pouillés…) Guillemaut reconnaît aussi que le XIIIe siècle vit se produire une amélioration du sort des populations, une poussée vers le progrès social.

            Ce qui suit est tiré de l’ouvrage de Lucien Guillemaut : Histoire de la Bresse Louhannaise.

          

            Au XIVe siècle, les habitants de notre contrée essaient de survivre à travers les horreurs des guerres : guerre sans merci entre le duché de Bourgogne et la Franche-Comté (terre de l’Empire germanique), et guerre de Cent Ans contre l’Angleterre. Les terres ne sont plus cultivées, la famine désole les populations et, en 1348, l’effroyable épidémie de peste noire s’abat sur l’Europe après avoir dépeuplé l’Asie et l’Afrique. La Bresse est particulièrement touchée : un tiers des habitants en meurent. La peste reparaît en 1360 puis s’installe pour plusieurs années dès 1399. A ces malheurs, s’ajoutent les ravages causés par les Grandes Compagnies. Ce sont des troupes de brigands, grossies par les gens d’armes sans emploi, qui dévastent les campagnes. Les paysans se creusent des retraites souterraines au milieu des fourrés, et travaillent à la dérobée pour ne pas mourir de faim. Nos ancêtres  ont dû se croire à la fin des Temps quand, en 1356, notre contrée fut secouée par un violent tremblement de terre accompagné d’orages. Les ponts de la Saône emportés par les eaux et de nombreux villages renversés par les orages : toutes ces visions ont certainement semé l’épouvante dans notre contrée.

            C’est en 1363 que l’histoire du duché marque un tournant  extraordinaire : « L’aventure des ducs Valois de Bourgogne commence quand le roi de France, Jean II le Bon, hérite du duché de Bourgogne et le donne à son fils Philippe » (JP Soisson : Charles le Téméraire ). De 1363 à 1477, quatre duc Valois se succèderont : Philippe le Hardi, Jean sans Peur, Philippe le Bon et Charles le Téméraire. Ils constitueront un immense et riche Etat bourguignon « préférant souvent aux armes les voies du mariage et de la succession » (JP Soisson).

            Avec Charles V, roi en 1364, la guerre contre l’Angleterre prend une tournure favorable pour notre pays : Du Guesclin repousse l’envahisseur qui ne conserve plus que la Guyenne et Calais. Mais Charles VI, devenu roi en 1380 à la mort de son père, s’avère rapidement incapable de gouverner : il subit des crises de démence de plus en plus graves et rapprochées, et ce règne affreux ne se terminera qu’en 1422. La France, déchirée par la guerre civile, retombe aux mains des Anglais. C’est à Charles, fils de Charles VI, « le petit roi de Bourges », qu’incombera la tâche  de « bouter les Anglais hors de France », selon l’expression de Jeanne d’Arc.

           Le XVe siècle, en son début, n’est guère souriant : disettes et peste, particulièrement en 1437, et dévastations causées par les brigands. Les compagnies, congédiées par le roi Charles VII lorsque s’achève la Guerre de Cent Ans, ravagent à nouveau les campagnes. Ces Compagnies,  connues sous le nom d’Ecorcheurs, terrorisent les paysans. Des guetteurs, postés dans les clochers, surveillent ce qui se passe au loin et, dès qu’ils signalent le danger, les paysans emmènent leurs meubles et leurs bêtes  dans leurs refuges et dans les fourrés. En 1439, l’armée du duc de Bourgogne sème la débandade chez les Ecorcheurs dont les corps vont remplir la Saône et le Doubs. 

            Lorsque la guerre de Cent Ans est terminée et que les brigands sont chassés de France, Charles VII réalise d’importantes réformes  qui permettent au royaume de se redresser. La Bourgogne connaît une ère de paix  et de prospérité sous le gouvernement du duc Philippe le Bon qui fait tous ses efforts pour réparer les erreurs de la 1ère époque de son règne (époque où les Bourguignons étaient alliés des Anglais). Mais Philippe le Bon meurt  en 1467, et son fils et successeur, Charles le Téméraire, se lance dans une lutte acharnée contre le roi de France, Louis XI, dont il veut démembrer le royaume : « Son dessein a été de fonder un royaume de l’Europe médiane, entre la France et l’Empire, de la mer du Nord au lac de Genève » (JP Soisson).

            Au temps de Charles, l’Etat bourguignon comprenait : le duché et le comté de Bourgogne, la Haute Alsace,  le duché de Lorraine et le Luxembourg, le Nivernais, la Picardie, mais aussi l’Artois, la Flandre, le Hainaut, le Brabant, la Zélande et la Hollande, ces Pays Bas étant les plus riches de l’Europe. Le duc crée dans ses états une économie moderne fondée sur la liberté des échanges. Mais les guerres du duc coûtent très cher en argent et en vies. En 1471, les familles bourguignonnes, qui avaient déjà de nombreux soldats dans les armées du duc, doivent subir une nouvelle levée. En ce qui concerne notre village, Guillemaut a relevé dans le Mémoire de Mr de la Chauvelays (archives de la Côte d’Or) : « Les habitants de Fraterans, au nombre de 106 feux, fournirent six hommes, dont un brigandinier armé de salade et porteur d’une arbalète de 10 carreaux munie de 16 traits de guerre, un piquenaire habillé d’escryvice et encore un autre piquenaire comme dessus, trois autres habillés de jaque et au surplus équipés comme les précédents. » (Leurs armes étaient : la pique, l’épée et la dague.) La guerre de Charles contre les Suisses lui est fatale : il est tué devant Nancy en 1477. A la mort du duc, la Bourgogne est à nouveau ruinée. Marie, enfant unique du Téméraire, épouse Maximilien d’Autriche. Louis XI tente d’annexer le duché au prix d’une guerre désastreuse pour notre région. En 1482, il obtient le duché de Bourgogne par le traité d’Arras signé avec Maximilien .

         Un antagonisme  subsiste entre Bourguignons et Comtois.  Armand Marquiset (dans son ouvrage « Dole, Précis statistique de l’arrondissement ») rapporte cette anecdote : « Si l’on en croit la tradition, les habitants de Fretterans, heureux de voir les armées françaises venir, en 1497, sous le commandement de Charles d’Amboise, faire irruption dans le comté de Bourgogne (règne de Charles VIII), s’avisèrent à leur tour de se ruer sur le village de Longwy et, après y avoir commis de nombreux dégâts, enlevèrent les cloches de l’église qu’ils emportèrent triomphalement. La haine qui fut la suite de ces excès s’enracina si profondément dans le cœur des habitants de Longwy que, pendant plus d’un siècle, ils ne voulurent permettre aucune alliance entre leurs enfants et ceux de Fretterans. »  Il semble que cette haine dura beaucoup plus d’un siècle : Me Marguerite Gauthey, habitante de Fretterans en témoigne. Elle est née à Neublans, département du Jura. Lorsqu’on apprit, dans son village, qu’elle allait épouser un habitant de Fretterans, on lui fit certaines remarques sur un ton amical. « Mais, précise-t-elle, à la génération précédente, celle de mon père, à la fin du 19e siècle, les unions entre personnes du Jura et de Saône et Loire étaient très mal vues. On essayait d’empêcher ces mariages. »                          

            

         Le XVIe siècle débute, en 1501, par une terrible épidémie de peste qui décime la Bresse. Mais la France connaît une petite ère de paix et de prospérité: son nouveau roi, Louis XII, apporte de grandes améliorations à l’administration du pays, veille à la sécurité des personnes et des propriétés et assure la protection des petites gens contre les grands et les gens de guerre. La population s’accroît, les cités s’agrandissent, la condition de toutes les classes s’améliore.  Au cours des périodes de calme qui suivent le XVe siècle, le commerce et l’industrie deviennent plus actifs, des foires se développent. Dans notre petit coin de Bresse, c’est à Pierre et à Bellevesvre qu’on achète les produits de l’agriculture et de l’artisanat ; on y va aussi pour voir les baladins et rechercher des distractions. Le colporteur va de village en village pour débiter des étoffes et de la mercerie et, en même temps, il donne les nouvelles. En 1510, le roi Louis XII, de passage en Bourgogne, reçoit les plus éclatants témoignages de l’affection de son peuple. Mais, en 1513, des troupes de Suisses et d’Allemands dévastent la Bourgogne. François Ier devient roi en 1515 et entreprend des guerres coûteuses en Italie. A partir de 1519, il lutte contre Charles Quint, mais un traité signé en 1522 garantit la neutralité entre la Bourgogne française et la Franche Comté autrichienne ; ces deux provinces n’eurent donc pas à souffrir des luttes entre France et Autriche.

            Les épidémies réapparaissent périodiquement. En 1531, notre région est à nouveau confrontée à une famine suivie de la peste.  L’épidémie revient  en 1543 et dure plusieurs années, avec des périodes de recrudescence et de décroissance.

          

            La nature ne se montre pas clémente : tantôt c’est une affreuse sécheresse comme celle de 1556, tantôt c’est un gel épouvantable comme celui de 1565, qui entraînent de grandes famines. Mais les hommes eux-mêmes, dans leur folie, provoquent leur propre destruction. A partir de 1562, la guerre civile et les passions religieuses mettent à feu et à sang une Bresse favorable au protestantisme. Certains abus du clergé avaient provoqué une révolution religieuse, avec Luther en Allemagne et Calvin en France. Dès 1540, la doctrine calviniste s’était fait des adeptes en Bourgogne, adeptes qui formèrent un parti puissant dans certaines villes, parfois sous la protection des seigneurs. Mais la grande majorité du peuple de notre province paraît être restée attachée à la religion catholique . La noblesse et le parlement de Bourgogne s’opposent à la Réforme. Les persécutions contre les protestants commencent sous Henri II.

              

           Deux partis se divisent la France : le parti catholique dirigé par les princes de la maison de Guise (l’un d’eux, le duc d’Aumale est gouverneur de la Bourgogne), et le parti protestant avec le prince Louis de Condé, parti soutenu par des seigneurs comme l’amiral de Coligny dont les ancêtres avaient possédé plusieurs terres considérables en Bresse.  La Réforme gagne du terrain. Ses adeptes sont aussi fanatiques que ses adversaires, et font preuve de violence. La guerre civile éclate donc en 1562. La Bourgogne est ravagée par les  deux partis qui se disputent les villes et pillent les campagnes. Des atrocités sont commises de part et d’autre. La paix est signée à Amboise en mars 1563, et un édit de Charles IX autorise le culte protestant sous certaines conditions. Cette paix dure 4 ans, mais le calme n’est que relatif. La guerre reprend en septembre 1567, puis la paix est rétablie l’année suivante, en mars. Mais, en septembre, un édit du roi interdit l’exercice de la religion réformée. Débute alors la 3e guerre civile. Une armée de reitres allemands venue secourir les Huguenots dévaste notre province en 1569. Catherine de Médicis fait signer la paix de Saint Germain en aout 1570. Mais, en 1572 , la nuit de la St Barthélemy, Charles IX donne l’ordre de massacrer tous les protestants. Comme il est dit plus haut, la Bourgogne échappe à ce massacre  grâce à son gouverneur, le comte de Chabot Charny.  La guerre se rallume,  puis cesse grâce à un édit, rendu en juillet 1573, qui accorde aux protestants la liberté de conscience.

           A la mort de Charles IX, en mai 1574, et à l’avènement de Henri III, éclate à nouveau la guerre civile. Les catholiques s’unissent, en dehors de l’autorité royale, pour former la Ligue. Des guerres opposent les royalistes, la Ligue et les protestants, les royalistes s’alliant tantôt avec les ligueurs tantôt avec les protestants. En 1580, les campagnes sont inondées d’aventuriers qui rançonnent et maltraitent les gens. En 1583, un passage de troupes du duc d’Anjou endommage le pays. Le 11 aout 1589, Henri III est assassiné. Henri de Navarre, chef protestant, est l’héritier légitime du trône, mais il doit conquérir son royaume qui est aux mains des ligueurs. La Bourgogne est le théâtre de luttes incessantes. Notre contrée est si épuisée que les deux partis acceptent, en 1590, la « Trêve du labourage » qui doit permettre de lutter contre la misère. Lorsque le roi Henri IV essaie de conquérir la Franche-Comté, notre Bresse subit à nouveau les terribles conséquences des combats entre les Français et les Espagnols de la Comté.

            Pour achever de conquérir son royaume, Henri VI abjure en juillet 1593. En 1595, la paix générale est accueillie avec des transports de joie, et les ligueurs sont amnistiés. Cette même année, le roi renouvelle l’ancienne défense, tombée en désuétude, de saisir pour dettes les laboureurs, leurs outils et leurs bêtes. Il prescrit une remise des arrérages de tailles.  En 1598, l’Edit de Nantes accorde la liberté de conscience et donne des garanties aux protestants. L’ordre et la sécurité se rétablissent dans le pays.

             Le XVIIe siècle débute sous d’heureux auspices, avec le règne de Henri IV. Une ère de prospérité s’ouvre pour la Bresse, comme pour la France entière. Un édit de mars 1600 augmente le nombre des contribuables en révoquant certaines exemptions de tailles, et autorise les paroisses à racheter les biens communaux qu’elles avaient été forcées d’aliéner pendant les guerres. Avec Henri IV et son ministre Sully, l’agriculture se relève rapidement. Une répression rigoureuse de tous les abus assure plus de justice et d’égalité dans la répartition et la perception des taxes. L’ordonnance de 1601 autorise partout l’exportation des grains. On répare les voies de communication. On entreprend l’assèchement des marais pour qu’ils puissent être labourés ou utilisés comme pâturages. L’agriculture revient à la vie et, en quelques années, la situation des paysans s’améliore notablement . De nouvelles plantes font leur apparition : le maïs ou turquis originaire d’Amérique, la luzerne, le tabac ; le sarrasin ou blé noir venu d’Espagne, où l’avaient apporté les Maures, commence aussi à faire partie de la grande culture. En même temps que l’agriculture se développent l’industrie et le commerce. La sécurité publique est rétablie. Cet âge de tolérance religieuse, de liberté économique, cette période qui semble être la plus belle de l’histoire de l’ancienne France, s’achève en 1610 avec l’assassinat du roi.                         

           

             Un traité d’alliance est signé entre la France et l’Espagne et, suite à ce traité, on établit en 1612 une délimitation  entre le duché de Bourgogne et la comté espagnole (dans notre village, l’isle de la Forteresse était déjà partagée entre Fretterans et Neublans). Avec la Régence de Marie de Médicis, l’épargne amassée sous Henri IV est bien vite épuisée. La misère reparaît mais, avec Richelieu, le pays revoit un peu de prospérité : le ministre protège le peuple et fait changer la répartition de la taille pour soulager les pauvres. Mais une épidémie de peste s'installe de 1628 à 1633. Puis le duché se retrouve à nouveau en guerre contre la Comté que Richelieu veut conquérir. En mai 1636, Louis XIII donne l’ordre au prince de Condé, gouverneur de Bourgogne, de pénétrer en Franche Comté. Le 15 aout, le siège de Dole est levé, et c’est la Bourgogne qui est envahie par les Comtois et les Allemands. Le Comtois Gérard de Watteville envahit la Bresse. Lamboy, un lieutenant de l’armée impériale, et Forkatz qui commande un corps de Croates, se jettent le long du Doubs. Les habitants des villages riverains sont massacrés et les maisons brûlées. A ces horreurs  s’ajoutent celles des épidémies : d’après Courtépée, 800 habitants de Pierre et des villages voisins s’étaient retirés, en 1636, au château de Pierre , pour se mettre à l’abri des courses ennemies ; ils y portèrent la peste et il en mourut 200 en l’espace de 3 mois. En janvier 1637, le baron de Watteville, devenu maître de Chaussin, ravage Fretterans, Lays, Charette, et s’approche de Pierre avec 200 chevaux. Il est refoulé. Il se dirige alors vers Authumes, s’empare du village et du château qui seront ensuite repris par les Français. 

            L’année 1638 est une année de grande famine, les terres restant en friche à cause de la guerre ; c’est d’ailleurs la Comté qui subit les plus grands malheurs. De 1639 à 1642, Français et Comtois se livrent une guerre acharnée : notre village sera plusieurs fois détruit et brûlé par les Comtois. La guerre de Comté n’était qu’un «épisode de la lutte gigantesque que la France soutenait contre l’Espagne et la Maison d’Autriche si puissante alors en Allemagne et en Europe » (Guillemaut). Pour soutenir ces guerres, il fallait augmenter considérablement les charges publiques. En 1643, à l’avènement de Louis XIV, les Bourguignons sont en grande détresse, mais l’impôt est multiplié par 8. Des enquêtes faites dans tous les villages montrent la misère des populations. Le roi n’a que 5 ans, et la Régence est assurée par  sa mère Anne d’Autriche qui choisit Mazarin comme ministre.

           

            Le 2 avril 1652, une éclipse de soleil jette l’effroi ; on pense alors que cette éclipse est à l’origine d’une épidémie de fièvres pestilentielles. Une autre épidémie, celle de la « fièvre pourprée » (sans doute la scarlatine), débute en 1654 et perdure pendant plusieurs années. La famine règne sur toute la France en 1662. L’année suivante, il pleut sans interruption de juin à août, ce qui entraîne de graves inondations.

 

            En 1648, Mazarin met fin à la guerre de Trente Ans par la signature des traités de Westphalie. C’est également cette année-là que débute  la Fronde, révolte de la noblesse et du parlement contre le pouvoir royal. La Bourgogne est en guerre civile. Seurre prend le parti du prince de Condé et résiste à l’armée royale, mais se rend en 1650. Puis les troubles reprennent et les partisans de Condé, en particulier la garnison de Seurre, se livrent à des exactions dans toute la région, pillant, incendiant, rançonnant. Une épidémie de peste et des intempéries s’ajoutent à tous ces malheurs. En 1653, Seurre capitule, et ses fortifications sont rasées. La Bourgogne est pacifiée, mais elle est lente à se remettre des désastres qu’elle a éprouvés. En 1658, la province célèbre par des réjouissances le traité de paix qui met fin à la guerre d’Espagne et fait épouser au jeune roi l’infante Marie-Thérèse. Grâce à la sage administration de Colbert qui régularise les finances et diminue la taille, le pays connaît quelques années de relative prospérité.

            Mais les guerres reprennent. C’est d’abord la conquête de la Franche Comté terminée en 1678 par la paix de Nimègue avec l’Espagne : c’est le moment le plus glorieux du règne de Louis XIV, appelé dès lors Louis le Grand. En 1688 éclate une autre guerre, celle de la Ligue d’Augsbourg, qui devait durer 10 ans et provoqua un état de misère croissante. En 1693 et 1694, les grains manquent, c’est la famine. L’hiver 93-94 est terrible, et la grande sécheresse qui lui succède provoque la disette des foins. Les registres paroissiaux de Fretterans font état de 19 décès en 1693 et 20 décès en 1694. Cette grande misère provoque l’apparition de bandes de pillards et de mendiants. La paix est signée en 1697, mais la France n’a pas le temps de se remettre que, déjà, éclate une nouvelle guerre.


          Le XVIIIe siècle débute donc avec la guerre de Successsion d’Espagne qui durera de 1701 à 1714 : la France, face à une coalition , subit de terribles revers ; on impose au pays, en hommes et en argent, les plus lourds sacrifices. Les intempéries viennent aggraver la situation : en 1709, la France subit un hiver terrible. Le curé de Simard note dans son registre paroissial: « En cette année 1709, l’hiver commença le 6 janvier par une bise si grande que dans 24 heures la Loire portait chars et charrettes, et auparavant cette grande froidure, la terre était pleine d’eau, c’est ce qui a fait que la gelée a fait un dégât épouvantable ; elle a duré 3 semaines sans aucune relâche ; il y survint quantité de neige qui, étant emportée, n’a pu épargner le blé qui était en terre. [……] La plupart du monde ne vivait pendant l’été que d’herbe, et dans le Charollais de pain fait avec la racine de fougère. [……..] Je ne vous parle pas ici des pauvres qui pleuraient jour et nuit aux portes par centaines. [………] La puanteur était si grande qu’on enterrait d’abord  les cadavres et que l’on faisait les prières après l’enterrement. » A Fretterans, pendant les 10 années précédentes, on enregistrait une moyenne annuelle de 7 décès. En 1709 , le nombre des décès s’élève à 33, et en 1710 à 29. A Lays sur le Doubs, le curé Clément Magnin note dans son registre paroissial, en 1709 : « Cette année quon peut appeller la misere generale de nostre Royaume n’a esté feconde qu’en mortalite a cause de …. (illisible). Le bichet de bled sest vendu quattre vingt livres et on l’acheptoit et conduisoit avec l’epee le fusil, et les garnisons des places l’amenoient par force dans les villes. La mesure d’orge six livres celle de Turquis autant, le pilliet dix, et le sarasin quatorse parce quil ny a evu aucun bled frément et les vignes n’ont produit aucun raisins a cause de la gelee de trois semaines tant en decembre qu’en janvier qui ont brulé l’un et l’autre. Dieu nous preserve d’un semblable malheur . » Dans les actes de décès de cette année-là, on découvre, à Lays, plusieurs jeunes enfants abandonnés, l’un dans une grange, un autre dans une écurie…. 

        Le curé Miconnet de La Chapelle Saint Sauveur écrit sur son registre paroissial, au début de 1710 : « L’année mille sept cent neuf a étée si cruelle que les Bles ont été perdu, gelés, que Les arbres La plus grandes partié comme les noyers, poiriers, pruniers, péchers, pommiers, et quune grande quantité de personnes sont mortes de fain et de froi, Le bled froment se vendoit jusque a vingt cinq et vingt six écus le bichet, Le son du froment un écu la mesure qui valloit trois livres, cette année a été le terrible des terrible pour ainsy parler, L’argent y étoit dune rareté extraordinaire. Dieu nous préserve dune telle année. »

    En 1719, on note à Fretterans une nouvelle recrudescence des décès: 15 pour cette année-là. Le curé de Simard écrit : « 1719, année très incommode et très fâcheuse ; ce qu’il y a eu de plus fâcheux, c’est l’air qui s’est trouvé infesté et a causé des maladies en plusieurs cantons, surtout des flux de sang et des fièvres pestilentielles. » Nouvelles disettes en 1725, en 1741 et en 1745, celle-ci étant accompagnée d’une épizootie  qui anéantit le bétail. A Fretterans, on dénombre 29 décès en 1746 et 34 en 1747. Selon le récit d’un contemporain,  « les hommes mouraient dru comme mouches,  de pauvreté et broutant l’herbe. » En 1759, encore une disette qui entraîne 20 décès dans notre village ; une autre disette, en 1770, est provoquée par des pluies continuelles.

            Louis XIV meurt en 1715, et son arrière-petit-fils lui succède sous le nom de Louis XV (il n’a que 5 ans). Ce règne sera moins glorieux  mais verra moins de misère que celui du Grand Roi. Il débute sous la Régence du duc d’Orléans. Quelques années de paix permettent au peuple de reprendre des forces et de jouir d’une relative prospérité. Mais de nouveaux impôts sont décidés ; l’un d’eux, le « cinquantième », levé en nature et en argent sur le peuple et les privilégiés, aurait été un moyen d’égaliser les charges, mais des émeutes obligent le gouvernement à le supprimer. La période de paix avec l’étranger se termine en 1733 avec la guerre de la Successsion de Pologne. En 1738, le traité de Vienne qui met fin à cette guerre est l’occasion de grandes réjouissances. Mais une nouvelle guerre, celle de la Succession d’Autriche, éclate en 1741 et se termine en 1748, puis c’est la guerre de Sept Ans qui débute en 1756. Ces guerres nécessitent de nouvelles levées d’hommes et d’argent.                     

           En 1774, le nouveau roi, Louis XVI, est bien accueilli. On fonde de grandes espérances de son règne. Le pays semble jouir de quelque tranquillité.

           Malgré tous les avatars de ce siècle, on assiste à une croissance du chiffre de population. La mortalité, dans son ensemble, diminue du fait que les épidémies s’estompent : la dernière épidémie de peste en France, en 1720, reste cantonnée à Marseille et la Provence. D’autre part, le défrichage des terres s’accélère et le matériel agricole s’améliore : au XIXe siècle, on verra l’apparition de la charrue Dombasle, puis de la Brabant.

      L’hiver 1788-1789 est terrible. Succédant à une sécheresse sans exemple, un froid excessif, pire qu’en 1709, s’installe dans notre pays où règne la famine. C’est dans ce contexte qu’a lieu la réunion des Etats Généraux de 1789.

  

Sa Révolution

           La loi du 22 décembre 1789 créa les départements et établit dans chacun d’eux une assemblée administrative composée de 36 membres. Un certain nombre d’habitants de chaque village, nommés « citoyens actifs », se réunissaient en assemblées primaires dans chaque canton. Pour être citoyen actif, il fallait avoir 25 ans, ne pas se trouver dans la condition de serviteur à gage, et payer en contributions directes une somme équivalente à 3 journées de travail (somme évaluée à 3 livres). Fretterans comptait 85 citoyens actifs. Les 984 citoyens actifs du canton de Pierre, constituant deux assemblées primaires, élirent 10 notables parmi lesquels on trouvait Jean Cordelier, docteur médecin à Fretterans. Les 93 élus du district de Louhans se réunirent à Mâcon avec les autres élus du département, fin avril 1790, pour élire à leur tour  les 36 membres de l’ «Administration du département ». Notre Jean Cordelier fut choisi avec 5 autres personnes du district de Louhans. Il devint donc « administrateur du département » avec 35 autres élus  de Saône et Loire.

           Ce Jean Cordelier, fils de Jean-Baptiste Cordelier, laboureur à Fretterans, est mentionné plus tard parmi les acquéreurs de biens nationaux : en 1791-1792, il achète des fonds de terres et prés dépendant des cures de Fretterans, Authumes, Neublans.

           L’Assemblée Nationale décrète, le 12 novembre 1789, « qu’il y aura une municipalité dans chaque ville, bourg, paroisse ou communauté de campagne », et elle organise le nouveau système municipal par un autre  décret, le 14 décembre suivant ; 4 ans plus tard (le 31 octobre 1793), la Convention substitue à ces dénominations diverses la dénomination unique de « commune ». Les élus : maire, officiers municipaux et notables constituent le Conseil Général de la commune auquel s’ajoute le procureur chargé de défendre les intérêts de la commune. A Fretterans, le 1er registre des délibérations du Conseil Général  ne débute qu’en août 1793. Le maire est alors Pierre Barisset ; il est assisté de deux officiers municipaux : Pierre Berthaut et Pierre Bouleri, et de 6 notables : Denis Ravonaux, Claude Moniet, Denis Bredat, Denis Corbot, Jean Bonglet et Jean-François Berthaut. L’agent national, Pierre Fortin, procureur de la commune , fait également partie de ce Conseil. Le secrétaire, François Duperrieux, est un personnage qui s’est bien adapté à la situation nouvelle : avant la Révolution, il était brigadier des Fermes du Roy à Fretterans ; le voici maintenant secrétaire greffier de la municipalité et capitaine des grenadiers nationaux du canton de Pierre.

           Le 10 Nivose de l’an  III (30 décembre 1794) : changement de municipalité. Le nouveau maire est Denis Corbot et les deux officiers municipaux sont François Cordelier et Jean-Baptiste Janin. Le 1er Nivose de l’an IX (22 décembre 1800), Jean Cordelier devient, à son tour, maire de Fretterans, avec Denis Vernaux comme adjoint.

           Comme toutes les communes de France, notre village se dote d’un Comité de Surveillance. C’est le 14 Pluviose  an II (2 février 1794) que sont élus Denis Vernaux, Pierre Royer, Emiland Perron, Pierre Corbot , Alexis Cornet, Jean Dutaitre, Jean Cordelier, Denis Berthaut, François Billot, François Bonglet, Thomas Buisson et Denis Donzel.

           On procède également à la réorganisation de la Garde Nationale : le 6 Fructidor An III (23 août 1795), est organisé un scrutin destiné à choisir les membres de la Garde Nationale de Fretterans. François Garnier est élu capitaine, Jean Cordelier est lieutenant, et Pierre Royer est sous-lieutenant. On élit encore 5 sergents, 8 caporaux (dont Denis Trullard, Louis Fortin et Pierre Chanite), 7 grenadiers (dont Emiland Perron et Pierre Trullard) et 5 chasseurs (dont Jean Bonguelet).

           L’église est désaffectée : elle est utilisée comme maison municipale, et les citoyens y sont réunis au son de la cloche. Le Conseil se réunit le 7 Frimaire An II (27 novembre 1793) pour procéder à l’inventaire des ornements de l’église ; ils seront transportés à Louhans, et les métaux (cuivre, bronze, argent) seront refondus « pour le service de la patrie ». En Ventose An II (1794), le « citoyen » Denis Rebouillat ayant « abdiqué de ses fonctions de prêtrise », le Conseil décide que la cure sera « amodiée au plus offrant », à l’exception d’une chambre et d’un cabinet qui deviendront Maison Commune et seront utilisés par le Conseil Général et le Comité de Surveillance.

            En exécution du décret de la Convention Nationale et du rapport de Robespierre, Fretterans, comme toutes les autres localités de France, célèbre la  fête de l’Etre Suprême le jour de Décadi 20 Prairial (8 juin 1794). Et toutes les décades qui suivront cette fête seront également célébrées, et « tous les citoyens qui s’aviseront de travailler seront dénoncés pour être suspects. »

          

            Le 28 Ventose An III (18 mars 1795), les habitants de Fretterans se réunissent dans l’église, sur convocation du Conseil Municipal, pour discuter de l’opportunité de rétablir le culte catholique. Ils « arrêtent à l’unanimité que le culte sera incessamment rétabli » et ils décident que chaque citoyen participera à la rémunération du prêtre. Le 25 Brumaire An IV (16 novembre 1795), le citoyen Denis Rebouillat, ci-devant curé de la paroisse, prête serment devant le Conseil Municipal : « Je reconnais que l’universalité des citoyens français est le souverain, et je promets soumission et obéissance aux lois de la République. » L’église menaçant ruine, le Conseil délibère, le 20 Germinal An XI (10 avril 1803), sur les moyens de trouver des subsides pour sa réparation. Dans ce but, on demande au sous-préfet de Louhans l'excédent des centimes additionnels, le pouvoir de vendre la coupe d’un « illion » et le revenu de l’amodiation de la pêche.

           En ce qui concerne l’instruction publique, le « recteur d’école » de Fretterans, Poncet Gros, se présente devant le Conseil Municipal, le 30 Ventose An II (20 mars 1794), muni d’un certificat de civisme, et s’engage à enseigner la lecture, l’écriture et les règles de l’arithmétique en se conformant aux livres publiés par la représentation nationale ; il promet aussi de se borner à ces seuls enseignements. Le 26 Ventose An III (16 mars 1795), le citoyen Poncet Gros est nommé, par le Jury d’instruction publique, instituteur  pour les communes de Fretterans, Lays et Authumes.

           Le 20 avril 1792, l’Assemblée Législative avait déclaré la guerre à la Prusse et à l’Autriche et, le 11 juillet 1792, elle avait proclamé « la Patrie en danger ».

          Des volontaires partent défendre la Patrie, comme Pierre Trullard, incorporé dans l’armée du Rhin, qui ne reviendra jamais ; d’autres rejoignent l’armée de la Vendée. Dans le Registre de Fretterans, un certain nombre de délibérations montrent que notre village, comme tous les villages de France, participe à l’effort de guerre. Ainsi, le 7 septembre 1793, les citoyens de 18 à 25 ans « demeurent très invités de se rendre tous ensemble comme des frères au chef-lieu de district (Louhans) pour y être exercés au maniement des armes » en attendant le départ pour  les armées  de la République. Le 10 septembre, le Conseil dresse la liste des recrues : 13 jeunes gens parmi lesquels on trouve François Billot, Claude Donzelle, Jean Fortin, François Bouleri, Jean-Baptiste Buatois. En décembre, la commune doit requérir un autre soldat pour le nouveau contingent : c’est Pierre Buisson, 27 ans, « n’ayant qu’une femme sans enfants » qui est désigné. Le 11 Ventose de l’An II (1er mars 1794), le citoyen Jean Fournier « a amené par son tirage au sort le billet portant ces mots : Cavalier pour la République françoise et pour le soutien de l’égalité et de la liberté ». Le 13 Pluviose de l’An VII (1er février 1799), l’agent municipal Duperrieux donne l’ordre à 3 réquisitionnaires de rejoindre l’armée active, sous peine de voir leurs biens confisqués ainsi que ceux de leurs parents.

           Pour nourrir l’armée, on réquisitionne le blé : le 12 Pluviose An II de la République françoise, une, indivisible et populaire (31 janvier 1794), le Conseil décrète que le citoyen François Cordelier fournira une voiture de « bled » que la veuve Jacob et le citoyen Claude Moniet conduiront à Verdun sur le Doubs. En Floréal, la commune de Fretterans est requise d’envoyer à Verdun 630 quintaux  de grains et farines. Elle en livre 138q le 20 Floréal, puis 210q le 25 Floréal, après avoir établi la liste des cultivateurs et des quantités qu’ils sont capables de fournir. On réquisitionne aussi « les cendres non lessivées et les vieux tonneaux, barriques et futailles, pour servir à l’établissement des ateliers en salpêtre pour la fabrication des poudres, pour servir à la destruction de nos détestables ennemis. »

           En L’An VII de la République (1800), l’agent municipal Duperrieux dresse la liste des habitants de Fretterans, en vue du partage des biens communaux. Cette liste fait état de 120 feux et 440 habitants (y compris les indigents).

Sa rivière

           Pour notre village, le Doubs représentait, en même temps, une source de richesse et une force dévastatrice.

           Il était bienfaisant puisque les alluvions déposés au cours de nombreux millénaires avaient rendu sa vallée particulièrement fertile. Bien avant l’apparition de l’homme, les cours d’eau étaient énormes, et le Doubs au tracé sinueux emplissait la vallée jusqu’aux pentes de Neublans, Authumes et Pierre, fertilisant par ses limons les terres qui seront cultivées plus tard. Mr Jean Guyenot, habitant de Fretterans, rapporte une thèse qui lui a été exposée : la présence de certains cailloux noirs dans nos gravières indiquerait que le Doubs eut autrefois un affluent issu des Alpes Suisses, affluent qu’un bouleversement géologique détourna de son cours pour le faire se déverser dans le Rhin.

            Un autre bienfait du Doubs était le poisson qu’il offrait aux riverains. Nous avons vu que Guy de Rye de Neublans accorde, en 1433, un droit de pêche aux habitants de Fretterans. Dans les registres paroissiaux, il est fait mention de certains métiers, et l’on découvre ainsi qu’Alexandre Barisset, Claude Galmard et François Maisse étaient « pescheurs » avant la Révolution.

           Le Doubs était également utile en tant que voie de navigation. Dans le livre « Le Château de Pierre de Bresse », Annie Bléton-Ruget précise que, lors des travaux de transformation des communs du Château, au milieu du XVIIIe siècle, il fallait une grande quantité de matériaux, et des pierres de taille étaient amenées de Dole par les ports de Longepierre et Fretterans. Le 29 mars 1696 décédait Hugues Canot, marchand à Lyon, qui était venu faire charger des bateaux de bois sur le port de Fretterans. Le 25 juin 1729, Philippe Boutaillay, ouvrier batelier « tenant la corde du bateau en montant, pour ne l’avoir pas lâchée sur terre est tombé dans le Doux et s’est noyé. »

        

              Et puis, le courant du Doubs actionnait le moulin de Fretterans. Mr Guyenot situe ce moulin à la « Mourée de Neublans » (Pré Guillot). Une « mourée » est une butte de terre abrupte façonnée par le courant puissant de la rivière ; cette mourée-là se trouve près de la limite de Neublans. On sait, par les registres paroissiaux, qu’Emiland Billot  était ouvrier meunier à Fretterans en 1746.

          

              Mais le Doubs pouvait être aussi très maléfique. Il provoquait des accidents spectaculaires : ainsi, le 29 mai 1729, six femmes se noient en même temps, parmi lesquelles Marie Donzel, femme du recteur d’école Louis Darras. Le 30 septembre 1784, un homme et cinq femmes trouvent la mort dans le courant du Doubs. Toutes ces personnes traversaient peut-être la rivière en tirant du bétail derrière la barque pour l’emmener paître dans des îles, ou bien elles allaient travailler leurs terres sur l’autre rive : Courtépée signale qu’au XVIIIe siècle le village comptait trois maisons  au-delà du Doubs, en face du Pasquier ; le terrain qui se trouve ainsi limitrophe de la commune d’Annoire a reçu le nom de Terres Grasses.

          

            Mais, plus grave encore que ces noyades, il y avait le fait que le Doubs, indomptable, changeait son cours et grignotait le village. A la fin du XVIIIe siècle, Courtépée décrivait l’aspect critique de cette situation : « Cette rivière cause, par ses débordements fréquents et son cours incertain, appelé gironement en 1608, les plus grands dommages en enlevant les récoltes et le terrain même qui se convertit en gravier d’une lieue au loin. Fretterans est menacé d’une ruine totale par cette redoutable rivière dont le lit est trop plein, ce qui mériterait bien l’attention du gouvernement et des pères de la patrie. » Courtépée accorde cependant des compliments à notre rivière : « L’air est pur à Lays et à Fretterans, à cause de la rapidité du Doubs qui roule sur un sable très net. Les graviers qu’il forme ont la propriété singulière de faire croître très promptement les saules nains, et en quantité. »


            Dans le 1er registre des délibérations du Conseil Général de Fretterans, les habitants présentent leurs doléances le 16 Ventose An IX (7 mars 1801) : « Déjà plusieurs maisons ont été démolies, une rue et les pourpris d’icelle emportés, trois autres sont sur le point d’être entraînées par le  torrent, et le sol sur lequel elles sont construites sur le point d’être rongé, un éperon de terre de la contenue d’environ deux tiers de terrain faisant seul la sauvegarde du village, restant d’une contenue d’environ huit journaux, est sur le point d’être emporté. » Des travaux avaient déjà été commencés par l’entreprise Revirard, de Navilly, mais les habitants de Petit Noir étaient venus « détruire l’ouvrage, battre les ouvriers de Revirard, brûler ses bois de construction, s’emparer de ses ateliers, et emporter jusqu’aux habits des ouvriers et leurs outils. » Le Conseil supplie donc le citoyen Préfet de prendre des mesures.

           Le 15 Prairial An XI, le Conseil, au vu du rapport du citoyen Niepce ingénieur du département, arrête « qu’il sera fait une banne qui prendra naissance dans un illion appelé Champ Chaudière [……..] jusqu’au milieu à peu près du Doubs. » S’ensuit une description minutieuse de ses dimensions, de la taille des pieux et du mode de construction de cet épi.

           Depuis cette époque, de nombreuses digues furent construites ; ce qui n’empêcha pas la terrible crue de janvier 1910 d’endommager des maisons au fond de la rue de Noailles.


 Eliane Jacquelin

 

Sources :

     Lucien Guillemaut - Histoire de la Bresse Louhannaise, Louhans, 1892.

                                                                                    

     Lucien Guillemaut - La Révolution dans le Louhannais , Louhans, 1903.

             

     Lucien Guillemaut - Armoiries et familles nobles                                       

     Courtépée - Description Générale et Particulière du Duché de Bourgogne,

      Dijon, 1774

     R. Oudet  « Une petite propriété terrienne à Frangy avant la Révolution »,

     dans La Bresse, Les Bresses, tome 1, Saint Just, 1998, p 107.

     Marcel Pacaut – « L’Eglise et le peuplement de la Bresse bourguignonne

     médiévale », dans La Bresse, Les Bresses, tome 2, 2003.

    

    André Ferrer - Tabac, sel, indiennes, Presses universitaires franc-comtoises.

     Jean Pierre Soisson – Charles le Téméraire, Paris, 1997, Grasset.

     

     Registres paroissiaux de Fretterans (1675 – 1792)

     Registre des délibérations du Conseil Général de Fretterans (1793 – 1810)

     Documents concernant les familles de Vienne, de Rye, de Goux et de Rupt,

     transmis par Me Danielle Lantz -Goux, de Grigny (91)